Jayanta Chakrabarty:

L’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a remplacé la circulaire Valls de 2012 sur les sans-papiers en attente de régularisation par une nouvelle politique d’« admission exceptionnelle au séjour » (AES). La circulaire Retailleau, entrée en vigueur le 24 janvier 2025, a modifié les critères de régularisation des sans-papiers. Il faut désormais justifier de sept ans de présence en France, contre trois ou cinq ans auparavant, pour qu’une demande de régularisation puisse être examinée.

La circulaire exige également la preuve d’une maîtrise avancée de la langue française, soit par un diplôme, soit par une certification linguistique.

Il est rappelé aux préfets que « les admissions exceptionnelles au séjour doivent rester exceptionnelles » et qu’il n’existe « pas de droit automatique à la régularisation », comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans son rapport de 2013 sur le « droit souple ». Ces recommandations sont interprétatives, et non impératives, et ne créent pas de nouveaux droits. La décision finale sur chaque cas dépend donc du pouvoir discrétionnaire du préfet, avec une forte probabilité de différences de méthodes d’une préfecture à l’autre.

Ce qui est encore plus précaire pour les travailleurs sans-papiers, c’est la mesure obligeant la préfecture à délivrer une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) si la demande de régularisation est refusée. Ils risquent donc d’être expulsés si la demande est rejetée. Il s’agit d’un obstacle majeur à la régularisation, qui en dissuadera plus d’un de franchir le pas.

Le 4 février, le ministère de l’Intérieur a annoncé que la France avait délivré 336 700 premiers titres de séjour l’année dernière, un chiffre en hausse de 1,8 % par rapport à 2023, tandis que les expulsions ont augmenté de 26,7 % avec un total de 21 601 reconduites à la frontière. Parmi celles-ci, les éloignements forcés se sont élevés à 12 856, soit une augmentation de 9,7 %.

31 250 sans-papiers ont été régularisés, soit une baisse de 10%. Parmi les régularisés figurent les travailleurs sans papiers (10 330, soit une baisse de 10 %), tandis que les motifs familiaux représentent 20 090 (soit une baisse de 9 %).

La circulaire Retailleau rappelle le caractère exceptionnel de l’AES. Pour les régularisations justifiées par le travail, la circulaire demande le respect des conditions prévues par la loi sur l’immigration de janvier 2024 – « étranger ayant exercé une activité professionnelle salariée figurant sur la liste des métiers et des zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13 pendant au moins douze mois consécutifs ou non au cours des vingt-quatre derniers mois, occupant un emploi dans l’un de ces métiers ou l’une de ces zones, et justifiant d’une durée de résidence ininterrompue en France d’au moins trois ans » – article L. 435-4 du Ceseda).

Selon la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, après consultation des différentes fédérations professionnelles par région, il s’avère que cette liste de métiers en tension peut également être différente selon les régions et les départements. Elle explique que son ministère a travaillé avec le ministère de l’Intérieur, les régions et les partenaires sociaux pour établir une liste des métiers en tension par grandes régions. La dernière version a été établie en 2021 sur la base des données de 2008. Plusieurs professions différentes seront incluses en 2025.

Les « ouvriers agricoles », les « aides à domicile », les « employés de restaurant tels que les cuisiniers et les serveurs », les « personnels de nettoyage », les « maraîchers/ horticulteurs », les « électriciens », les « techniciens en informatique » ainsi que les travailleurs de l’hôtellerie et de la construction sont recherchés dans toutes les régions.

Le vendredi 21 février, la nouvelle liste est envoyée aux partenaires sociaux, avant une dernière consultation nationale. Les syndicats et les associations d’employeurs débattront de la nouvelle liste cette semaine, avant qu’elle ne soit publiée au Journal officiel.